8 février 1962 métro Charonne: les témoignages de Mireille et Vincent

LE_8_FEVRIER_1962_A_CHARONNECar rien ne vaut le vécu, je « remonte » du fin fond du site, les témoignages de  Mireille DELIEGE, USR CGT ARLES. et de Vincent-François Letemple, Aubagne                                                                                                                              POUR NE JAMAIS OUBLIER !

Jeunes mariés, futurs parents, jeunes syndicalistes et communistes, parisiens de la proche banlieue, Serge et moi avions décidé de participer à la manifestation (interdite) contre les attentats de l’OAS perpétrés dans la semaine précédente, notamment celui qui avait aveuglé la petite Delphine Renard, et pour crier notre exigence de la PAIX en ALGERIE et l’arrêt de cette « foutue » guerre qui ne portait pas de nom.

Une foule énorme commençait à remonter le boulevard Voltaire depuis la place de la République. L’ambiance était tendue mais fraternelle. Nous avions répondu les uns et les autres aux appels de l’UD CGT, de la FEN, d’autres syndicats, de notre parti et d’autres partis et organisations dont la JC, le PSU, l’UFF et bien sûr le Mouvement de la Paix.

Arrivés à l’intersection de la rue de Charonne, un camarade perché en haut d’un lampadaire, nous demande, comme prévu, de nous disloquer et c’est à ce moment que nous avons entendu un bruit sourd montant de l’asphalte : c’était la police et les CRS avec leurs godillots qui chargeaient les manifestants.

Evidemment, ce fut la panique : nous étions coincés au débouché de la rue de Charonne, juste à la station de métro. Les uns se sont engouffrés dans le métro, mais nous n’avons su que plus tard que les grilles d’accès en avaient été fermées, et nous, les plus « chanceux », avons été poussés dans la rue de Charonne où nous avons pu entrer dans un petit bistrot plein de manifestants comme nous. Un ado de 15 ans, la tête ensanglantée, pleurait en appelant sa mère. Nous l’avons pris en charge et c’est ainsi que ma belle serviette toute neuve qui contenait la première brassière  à tricoter pour mon bébé a servi à panser ce petit jeune !

Dans le même temps, nous voyions dans la rue les traces enflammées des balles tirées par les CRS coursant des manifestants. Tout à coup, un CRS, pensant sûrement qu’il était suivi par ses acolytes, a fait irruption dans le bistrot, son arme pointée sur nous. Je pense que lorsqu’il a vu nos visages fermés et surtout qu’il était seul (je pense que notre colère était telle que nous l’aurions lynché), il est ressorti du bistrot. Je dois dire que plus jamais je n’ai eu peur comme à ce moment-là !

Nous avons échappé de justesse au massacre sans savoir, sur l’instant, que NEUF D’ENTRE NOUS avaient été assassinés là, à 20 mètres de nous. Cela n’est que le lendemain avec l’HUMA que nous l’avons appris.

Trois jours après, plus d’un million de personnes ont suivi le cortège, une foule digne, silencieuse, certaines d’entre elle venant directement de leur domicile, les autres en cortège depuis leur entreprise, usine  ou lieu de rassemblement collectif, traversant PARIS, portant des monceaux de gerbes de fleurs. Ils accompagnaient DANIEL FERY, 15 ANS !, ANNE GODEAU , JEAN-PIERRE BERNARD, SUZANNE MARTORELL, RAYMOND WINTGENS, FANNY DEWERPE, dont le fils Alain deviendra un écrivain historien reconnu, EDOUARD LEMARCHAND, HIPPOLYTE PINA et MAURICE POCHARD , au cimetière du PERE LACHAISE, dernière demeure de tous les Martyrs comme ceux de la Commune.  Je n’ai pu assister à cette cérémonie, Serge nous y a représentés tous les trois.

Depuis le 8 février 1962, quelle que soit la manifestation, j’ai toujours eu une peur panique des  CRS !

Mireille DELIEGE, USR CGT ARLES.

Vécu au métro Charonne le 8 février 1962

J’avais presque 20 ans et comme Marina Vlady, j’étais au métro Charonne.
Le choc provoqué par cette violence gratuite me poursuivra toute ma vie!
J’étais venu en scooter à cette manifestation et me trouvais très tôt tout au début du Bd Voltaire.
Il faisait déjà nuit. Par chance pour moi, ne trouvant aucune connaissance de ce côté du rassemblement, je décidai de reprendre mon scooter et de le contourner. En passant au métro Faidherbe-Chaligny, je longeais une file importante de cars de CRS stationnés là, serrés sur la droite de la rue Faidherbe. Une animation importante a alors retenu mon attention. Comme je passais « côté rue » et qu’on ne me voyait pas, je ralentis de manière à garder l’équilibre et, tout en roulant, je me mis debout sur mon scooter. Je pus quelque peu observer l’intérieur des cars. Les policiers m’ont paru alors très excités. Ils gesticulaient, parlaient forts et j’en ai vu qui buvaient directement à la bouteille, de quoi? Pas très rassuré, j’ai continué jusqu’au Palais de la femme ou j’ai retrouvé la queue du rassemblement. J’ai parlé de ce que je venais de voir à des manifestants en leur recommandant d’être prudents. Plus tard, un mouvement de panique et des bousculades nous repoussèrent. Le bouche à oreille nous apprit que la police chargeait violemment en haut, au métro et qu’il fallait vite se disperser.
Vous connaissez la suite et vous comprendrez un peu mieux les raisons de ce drame!!
J’étais ouvrier chaudronnier dans une petite entreprise sans syndicat, (j’étais syndiqué à l’UL), mais je fis quand même grève le jour des obsèques.et je pus pendant des heures, debout sur une grille du métro Père Lachaise, suivre le défilé et rendre hommage à toutes ces victimes, avec des centaines de milliers de personnes qui, comme moi, condamnaient ainsi des assassins, que la justice et les autorités de la République ont laissés en liberté!!

Vincent-François Letemple, Aubagne (Bouches du Rhône), le 6 février 2012

(Voir dans la rubrique histoire et mémoire l’article de Monique)

One thought on “8 février 1962 métro Charonne: les témoignages de Mireille et Vincent

  1. PAPON/GUEANT/SARKO. même clique et capable de crime identique!!! notre pote daniel FERRY de ma classe d’âge n’est pas mort en vain;;;;avec la classe laborieuse, une CGT, un parti révolutionnaire (le PCF) puissantS à l’époque, il a sauvé l’honneur d’une France coloniale, se sacrifiant pour la paix et mettre un terme à cette sale guerre….ce sont bien les peuples qui font l’histoire, une histoire en l’occurence comtemporaine que taisent nos « chiens de garde » . Preuve est établie que si les français s’en mêlent, la forteresse « CAPITALISME/LIBERALISME/NEOCOLONIALISME » peut s’ebranler et même sombrer…..Bien évidemmnent, elle ne tombera pas comme un fruit mur: le peuple, les citoyens se doivent de porter le « bélier » Front de gauche » seule alternative à l’argent roi, ramenant du même coup le PS et son candidat sur des positions de classe…..sinon gare car MIGAUD a le mérite de l’exprimer, un régime Grec nous attend et pourquoi pas un gouvernement PS, droite,extrême-droite…….les Français peuvent et doivent se ressaisir, les valeurs des assassinés de Charonne sont celles qui ont conduit les mêmes à chasser l’envahisseur nazi…..